Une première étude mondiale pour évaluer l’étendue de la pollution médicamenteuse des rivières

COMMUNIQUE DE PRESSE - UR RiverLy - Si le développement et l’usage de médicaments ont permis d’améliorer notre santé et notre espérance de vie, leurs résidus sont facteurs de pollution et impactent aussi l’environnement et les organismes vivants. Pour la première fois, une vaste étude internationale dirigée par l’Université d’York (Royaume-Uni), à laquelle a participé INRAE et impliquant plus de 80 instituts de recherche, a analysé la pollution de 258 rivières dans une centaine de pays sur les cinq continents. Leurs résultats, publiés le 14 février dans PNAS, montrent que toutes les rivières étudiées sont contaminées par des résidus médicamenteux et qu’un quart des sites échantillonnés présentent des niveaux de pollution potentiellement dangereux pour la biodiversité aquatique. Parmi les régions les plus polluées, on trouve notamment les pays en développement où sont situées les usines de production et où le traitement des eaux usées et des déchets est peu développé.

Les résidus des médicaments que nous consommons sont éliminés et se retrouvent dans les eaux usées et à terme, en partie dans les rivières. Or, si les médicaments sont conçus pour avoir une action précise sur l’être humain, leurs impacts sont imprévisibles sur les autres organismes vivants (poissons, crustacés, microorganismes, flore…) et peuvent perturber leur biologie et cycle de vie.  

Le diagnostic de la pollution médicamenteuse est déjà bien établi dans certaines régions du monde comme l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale ou la Chine, mais il n’existait pas d’étude globale permettant de faire un état des lieux au niveau mondial. C’est pourquoi l’Université d’York a lancé en 2018, avec 86 autres institutions à travers le monde, une vaste étude pour analyser les échantillons de 258 rivières dans 104 pays sur les cinq continents, dont 36 n’avaient jamais été étudiés. L’étude a inclus de grands fleuves tels que l’Amazone, le Mississipi, ou le Mékong avec des sites d’échantillonnages dans des régions où les médicaments modernes ne sont pas utilisés (comme un village Yanomami au Venezuela) et dans les villes parmi les plus peuplées de la planète comme New-York ou Delhi. L’analyse des échantillons a porté sur 61 substances médicamenteuses parmi les plus couramment utilisées : antibiotiques, analgésiques, anti-inflammatoires, antihistaminiques, antidiabétiques, antidépresseurs, stimulants (comme la caféine).

Toutes les rivières contaminées par des résidus médicamenteux

Au cours de l’étude, 1052 échantillons ont été prélevés à travers le globe selon un même protocole et les concentrations en substances médicamenteuses ont été mesurées par un même laboratoire pour analyser le degré de contamination des cours d’eau. L’échelle de l’étude permet une vision globale de cette contamination qui est présente dans les cours d’eau analysés de tous les continents, même si variable en concentration et en fréquence. Les résultats montrent que le degré de pollution des cours d’eau est corrélé aux conditions socio-économiques du pays : les sites les plus contaminés étant ceux des pays à faible revenus et avec peu ou pas de système de traitement des eaux usées domestiques, ou issues des industries pharmaceutiques. Certaines régions qui n’avaient jamais été étudiées jusque-là (l’Amérique du Sud, l’Afrique Subsaharienne et certaines parties de l’Asie du Sud) sont parmi les plus concernées par la pollution médicamenteuse, avec des concentrations cumulées particulièrement élevées. Par exemple, les chercheurs ont retrouvé de fortes concentrations en substances médicamenteuses au Pakistan (concentration d’en moyenne 70,8 µg/L avec un maximum mesuré de 189 µg/L) et en Bolivie (concentration d’en moyenne 68,9 µg/L avec un maximum mesuré de 297 µg/L). L’étude révèle également qu’un quart des sites étudiés avaient une concentration en contaminants potentiellement dangereuse pour l’environnement, notamment pour deux antibiotiques (le sulfamethoxazole et la ciprofloxacine), un antihistaminique (la loratadine) et un médicament utilisé dans le traitement de l’hypertension (le propranolol).

Cette étude a permis, pour la première fois, de faire un état des lieux représentatif de la pollution médicamenteuse des rivières dans le monde, en incluant de nombreux pays pour lesquels peu, voire aucune information n’était disponible. Cette approche pourrait être appliquée à l’avenir à d’autre types d’environnement comme les sols, ou encore les organismes vivants, afin de développer des réseaux internationaux de surveillance de la pollution.

Référence

John L. Wilkinson et al. Pharmaceutical pollution of the world’s rivers. PNAS February 22, 2022 119 (8) e2113947119; https://doi.org/10.1073/pnas.2113947119

Etude réalisée dans le cadre du Global Monitoring of Pharmaceuticals Project

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